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Songs of

13 juillet 2020

Notes

T'as pas compris combien

On se convient

Combien ensemble

On irait loin

Si tu pouvais en convenir

Si tu pouvais en convenir

T'as pas saisi qu'enfin

On serait bien

Sur l'horizon là-bas

Que tout maintient

Si tu pouvais en convenir

Si tu pouvais en convenir

 

On n'est pas près d'en finir

Depuis toujours j'en conviens

Mais je tiens ton sourire

Dans mes pupilles pleines

De fantaisies sereines

Comme échouer dans ton bain

On 'n'est pas près d'en venir

A l'humide destin

Tous les jours j'en conviens

Tous les jours j'en conviens

 

1

Tu peux préparer ta valise

Et t'enfuir où tu voudras

For today her dog is

Your god is a chihuahua

 

2

Damocles aime l'art

Damoclès aime l'art

Aime l'art aime l'art

Mais l'art fellatoire

 

3

J'ai le coeur gros qui m'sert ses flammes

Comme un zippopotame comme un zippopotame

Dans un zoo d'animaux-blâmes

Sous d'ignobles tamtams sous d'ignobles tamtams

 

4

Et quand je plie tu me relèves

Tu m'fais mes squats

Je me replie comme en un rêve

Et je te squatte

 

5

Tu panses donc tu es

Tu te bats donc tu me plaîs

J'entends valser au fond de toi

Comme un bridé qu'on bride pas

Un affamé karatéka

Comme s'il y avait dans tes entrailles

Le flic de Shangaï

 

6

Entre le marteau et le vice

Il est le diable de sa forge

J'entends parfois dans sa gorge

Tous les démons de Valfaris

Entre l'enfer et sa matrice

J'entends la question qui s'immisce

Où sont partis les temps jadis

Où paraît-il il fût un fils

 

7

Les parapets européens

Nous jouent leurs portées disparues

Quand mon navire y est rimbaldien

Je rêve en vain de balles perdues

Comme un touriste accidentel

Ou un alien échoué

J'écoute un peu la ritournelle

Et je la laisse un peu passer

 

8

Moi j'ai pas la tête à ça

Mais la tête à vaquer à tout la tête à rêver de rien

Tu peux te libérer de moi

Et puis te colorer les joues et puis lâcher ton grappin

Ou bien en faire un autre usage

Aggriper les destins et les murs de passage

Ou de sols en falaises de falaises en nuages

Danser comme un éclair au bal de nos orages

En faire un bien meilleur usage

Aller de nuits en nuits de visages en messages

Comme un diable béni rescapé d'un autre âge

Affronter la magie des paradoxaux mages

 

9

Comme une confluence

Des éveils

Des vrais ciels

Des familières transes

Cependant que tout danse

En abeille

De ton miel

Je t'offre mon essence

 

10

T'es plus grandiose mi amor

Qu'un ciel de roses mêlées d'or

T'es ma chanson réconfortante

Mon horizon dessus la pente

 

11

Mes anges sont des diables d'or

Plus galactiques qu'Albator

Le coeur plus rouge que le Styx

Ils ont mourir en idée fixe

S'ils chantent "les copains d'abord"

Le bal se fait par-dessus bord

Ils ont des costards fantastiques

Noirs comme un suicide éthique

 

Mes anges vont en sémaphores

Sur les océans du remords

Vampiriser cinq-cent sirènes

Jouer leurs fantasmes dans mes veines

Brûlant des laves du Mordor

Mes vikings ont gagné le port

Survivre était leur coupe pleine

Que vivre soit leur mer pérenne

 

Mes anges sont leurs guides morts

Leurs moi profonds dans l'eau qui mord

Jusqu'à mes os dans l'idéal

Jusqu'à la moelle des Saints Graals

Ainsi tout est conquistador

Dans la schizophrénie des pores

Tout remonte la faux fluviale

Comme on caresse un animal

 

En chantant "les copains d'abord"

On multiplie les brillants sorts

On déifie d'un flingue unique

Mon crâmé crâne prophétique

Mes anges sont des diables d'or

Plus galactiques qu'Albator

Le coeur plus rouge que le Styx

Et mourir est leur idée fixe

 

12

La vie se formule où son énigme crève

Mais tu peux toujours en guetter les symboles

Pendant que j'essuie de ses lèvres mes rêves

Entendu qu'aujourd'hui mes cousins s'immolent

 

13

Des tréfonds tu me reviens

Comme un vermeil iceberg

Qui fait chavirer sans bien

J'écris depuis ton malin

Par les presses de Nuremberg

Pour exorciser demain

 

Il me revient de Barcelone

Les climats les plus cinglants

Qu'auront connu mes matins

Dans ton âme il n'y a personne

Et d'inexorables fragments

Parmi les néants marins

 

Me duele el frio

El frio del infierno

Me duelen las casas (ojas)

Donde tu estabas

Me duele el frio

El frio del silencio

No se puede hablar

Con el frio del mar

 

14

C'est un voyage en paix ricaine sud

De la paix j'n'ai plus l'habitude

Ma valise en parisienne rude

A balisé mes lassitudes

Ma noirceur me joue sa transe

Les métamorphoses la dansent

Jetant des monts d'obscurité

Pourtant la route est claire d'ailes

De battements jolis du ciel

Il est étrange d'observer

 

La noire origami de mon ombre

Sous le blanc parapluie 

D'une colombe de Colombie

Je suis cerné de mes décombres

Qui sont cernées d'éclaircies

Et de son tour elle m'étourdit

La noire origami de mon ombre

Sous le blanc parapluie

Dun' colombe de Colombie

 

15

L'amitié à la hauteur de Kody et Lumine

Les loup-garous ne font plus peur aux faiseurs de rimes

 

16

En ces temps incessibles 

Où j'accroche l'inaccessible

Dans mon âme en affiche

Dans tes yeux je me niche

Il n'est pas impossible

Qu'immiscé dans ma cible

Mon carquois soit en friche

Mais les flèches s'en fichent

 

Je ne suis vraiment rien

Si toi tu n'es pas mienne

Mais je suis vraiment bien

Car te visent mes veines

Comme un arc bandé

A l'extrême...

Ne sois pas étonnée

Que je t'aime

 

17

Soudainement j'ai peur de mon crâne en calculs

Dans la glace ineffable où il est endormi

J'ai plus que jamais peur du garçon somnambule

C'est dire si j'ai peur de la géométrie 

 

Parfois je l'aime comme je te crois

Quand tes lèvres me grisent

Me perpendicularisent

Je n'ai plus si peur de moi

 

18

J'ai dérivé des temps en rade

Vers l'étoile des doux mots

Pour cet astre dieu mélo

J'ai consumé les verbes fades

Et j'ai glissé loin des Pléïades

Livré mon coeur à Betelgeuse

Elle me rendait l'âme heureuse

Et t'écrivait des ballades

 

19

Dans le grand comme le petit

J'me fais mes cartographies

Et je rêve de voix qui rient

J'attends les gentils cris

 

20

We're walking with the taal guys

And droppings from their UFOs

There was something in your glass

We're taking back the world

 

21

Ne tente pas de me traduire

Je n'ai pas encore trouvé 

Le bon alphabet

Je ne suis pas âme à séduire

Ne cherche pas à conjuguer

Mon verbe secret

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22 juin 2020

Final Fantasy XV

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J'ai adoré Final Fantasy XV ; certes bien moins que ses prédécesseurs, mais je l'ai adoré quand même. Il est pourtant rempli de défauts : scénario principal bancal, raccourcis narratifs peu crédibles, géopolitique de l'univers très peu développée, cruel manque de dialogues quand on le compare à ses aînés, personnages manquant d'énigmes, de confessions et d'aspérités.

Néanmoins, le jeu est véritablement agréable - on y progresse avec plaisir - et sa fin réussit un tour de force en puisant sa magnificence dans une scène qui la précède, soulignant en une phrase, prononcée par son héros, avec intensité et émotion, au cœur d'une conversation à la nostalgie douce-amère, la beauté sur laquelle repose toute l'histoire : l'amitié sincère unissant ses protagonistes.

Aujourd'hui, j'adore encore plus ce Final Fantasy car j'y joue au-delà de sa fin. Libéré de son intrigue et de sa gravité, cet opus trouve une puissance redoutable dans le fourmillement de ses quêtes annexes, lesquelles donnent une vraie sensation de voyage, à la fois dans le vaste pays où elles prennent place et sur les terres de la camaraderie, et proposent des donjons captivants emplis de défis, de combats et de nouveaux dialogues contextuels. Résultat : je suis quatre amis dans un large monde à exploiter et je m'éclate.

Dans sa richesse paradoxale, Final Fantasy XV est plus grand que lui-même. Et puisque l'amitié rend l'individu plus grand que ce qu'il est, le jeu porte en fin de compte une belle cohérence à quatre visages.

5 février 2020

The (Not So) Good Place

Cet article revient essentiellement sur la fin de la série. Si vous ne l'avez pas vue mais souhaitez la voir, vous devez passer votre chemin ; à moins que vous aimiez les spoilers, auquel cas vous êtes au Bon Endroit.
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Conclure une série d'essence comique par un épisode triste à souhait, c'est un pari osé mais capable de payer fortement. Le cas de The Good Place est particulier à bien des égards : la conclusion de cette oeuvre pourtant remarquable a cela de réussi qu'elle touche vraiment, qu'elle émeut généreusement, mais elle n'en est pas moins gênante, très gênante, et pourvue d'un pathétique panel d'enseignements fallacieux.

Un à un, au fil d'un temps indéfini mais que l'on imagine s'étaler sur des milliers d'années, les personnages choisissent de mettre fin à leurs existences, de se rendre au néant en traversant une porte magique, présentée, par l'épisode précédent, comme une brillante idée propre à revaloriser la vie. Quand une série se termine, bien entendu, les personnages cessent toujours d'exister dans la mesure où ils n'ont jamais été réels ; cependant, selon le regard de l'imaginaire, qui est celui du spectateur et donc de la série-même, les personnages continuent de "vivre", et dans le cas où l'esprit considérateur ne croit, déjà dans son univers véridique, en aucune forme d'après-vie, l'ignorance constitutive qui le prive de toute possibilité de certitude absolue sur cette question, rend concevable la prolongation des personnages fictifs au-delà de leurs histoires, et même, depuis le coeur de ces histoires et par les lois du réel, certaine. Par conséquent, le dénouement de The Good Place s'emploie à trahir, à travers le meurtre raisonné et absurdement total de ses personnages, le bon sens inné de l'imagination, qui par sa nature avait signé le contrat leur donnant naissance.

Quoi qu'il dise, le plus athée d'entre les hommes ne peut être certain du caractère annihilant de la mort ; il ne peut pas non plus, par conséquent, faire face à une pareille certitude, ni sentir l'angoisse immonde et le malaise existentiel insondable qu'elle engendrerait. C'est une chose heureuse, bien sûr : la mort n'est pas la fin de la vie, et le plus dogmatique adversaire de cette thèse ne pourra jamais, en son for intérieur, se persuader dans son entièreté profonde de son contraire. De fait, ce contraire n'existe pas de façon absolue au rang des visions humaines. Au sein de son paradigme final, pourtant, The Good Place lui invente une place, déliant la logique de son incertitude existentielle primaire pour l'affubler d'un contresens à sa nature. Les personnages ne devraient, si leurs caractères étaient vraisemblables, pas admettre pleinement leurs "finissabilités", et encore moins se prétendre investis du pouvoir de leurs achèvements ; en cela, la position spirituelle, ultime, normalisée par la fin de la série, est d'une radicalité contre-nature.

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L'inexistence finale d'Eleanore, de Chidi et de Jason - ainsi que le futur dénouement semblable de tous les personnages de l'histoire, dont Tahani - provoque donc un malaise instinctif, une forme débile d'inhumain brouillamini. La série semble imposer sa plus parfaite inexistence en ôtant de ses héros toute sève de vraisemblabilité. Le spectateur ne peut pas trouver crédible l'élan poussant les protagonistes vers leurs néants respectifs – et par la force des choses leur néant commun ; il est absurde d'imaginer un état de paix si profonde, si totale, que l'individu y percevrait un appel logique et intime de son inexistence proche, ainsi que, à travers cet appel, un désir de disparition. La paix exclue toute idée de cet ordre, car elle n'interroge pas son environnement ou son quotidien, ou leurs valeurs ou leurs raisons d'être ; au contraire, elle ne peut que, par sa nature, les inclure – l'environnement et le quotidien - si pleinement que leur éternité tient dans son instant parfait. La complétude que trouvent Chidi et Jason, dans leur bonheur innefable habituel, n'est pas pacifique : elle est conflictuelle ; elle ressemble à une maladie mentale de l'usure et de l'ennui. Voir un “brillant” “philosophe” - multiples guillements justifiées – passer la porte du néant avec une détermination infinie, cela pourrait sembler beau pour un idiot psychologiquement trop oriental, mais pour tous les orateurs silencieux de la paix et de l'espoir, cela n'est hélas qu'une aberration insensée.

Certes Chidi incarne tout au long de la série un ramassis de clichés philosophiques, embourbé de références rasant bêbêtement les pâquerettes, mais il enseigne néanmoins des nécessités véritables de la morale, aussi convenues soient-elles pour tout un chacun. Dès lors, dans sa banalité intellectuelle, notre professeur n'est pas dénué de valeur. Cependant, alors qu'il fait face, de toute évidence, aux affres cruelles d'un nihilisme hurlant, il sert sa soupe à des élèves absurdes, passivement abrutis, tout en restant lui-même sourd au hurlement de l'Univers qui parcourt son être malade empli d'insuffisance comblée. On peut bien sûr trouver beau son discours sur l'eau de la vague retournant à l'océan – après tout, les philosophies orientales ont bien des adeptes parmi les incultes rêvassants qui ne les comprennent pas ; mais l'intelligence sait que la vie ne réside pas en une sorte d'êtreté inconsciente universelle, qu'il n'existe aucune forme sensible dépourvue d'esprit, et que l'entendement est bel et bien le père de la poésie rêvant ces idées ; autrement dit, Chidi ne peut en aucun cas trouver un espoir significatif d'existence dans le néant qu'il choisit d'embrasser, et s'il considère trouver dans l'inexistence une évolution naturelle de son être, cela ne fait que démontrer sa bêtise immense. C'est pourquoi, dans une mesure plus simple, on considère que les personnages pèsent bien leurs choix d'inexistence, et que le discours de la vague de Chidi, puis d'Eleanore, n'est qu'une aveuglante poétisation de leurs maladies mentales.

 

26 septembre 2019

Martiens Go Home ! - Fredric Brown

Cet article s'emploie à analyser rapidement le livre à travers la question de sa fin. Pour une critique sans aucun spoiler, allez donc voir ailleurs ! (la rime est offerte et nous vient tout droit de Mars.) On me demande de vous dire aussi que j'ai écrit une "chanson" adaptée de cette oeuvre et que vous pouvez la lire en cliquant ici.  

martiens go home

Chose certaine, la fin n'est pas géniale ; j'aurais préféré que Luke devienne fou de façon plus violente, plus concrète, et finisse interné - comment peut-il avoir le solipsisme heureux, comment peut-il fonder une famille avec les illusions qui sont les siennes ? Le personnage est un malade profond, mais cet état de fait n'efface pas la rationalité dont il fait preuve au long de l'ouvrage ; par conséquent, sa capacité à vivre avec ses convictions, après le "départ" des Martiens, relève plus de la stupidité et du ridicule que d'une volonté crédible. Si les derniers paragraphes avaient révélé son internement, ou toute forme de conséquence logique de sa démence, la fin aurait été de qualité bien supérieure. Quant à la postface, elle me laisse dubitatif ; bien que sa comparaison finale entre son personnage et lui-même suggère une plaisanterie, l'auteur y déclare que Luke est bel et bien le créateur de son univers, et le problème se pose dans la mesure où l'on ne parvient pas à juger le degré de cette affirmation ; en cela, la postface gâche un peu l'œuvre. 

Cependant, si l'on omet le trouble généré par les derniers mots de l'auteur, et malgré la décevante situation finale de Luke, le dénouement fonctionne plutôt bien. Il était certain depuis le début du livre que celui-ci n'apporterait aux lecteurs aucune réponse définitive à la question des intentions martiennes ; il était très probable également - et cette probabilité descend en quelque sorte de la précédente certitude - que les Martiens ne partiraient pas d'eux-mêmes, dans la mesure où l'on pourrait soupçonner des raisons dans ce départ et, par extension, se figurer des raisons à leur arrivée. En outre, les envahisseurs ne pouvaient pas être chassés ou vaincus de façon apparente et physique : leur attribuer des faiblesses atténuerait leur puissance goguenarde, et celle-ci fonde le caractère de l'œuvre. (C'est d'ailleurs par cette goguenardise essentielle que toute révélation d'intentions est exclue.) 

La fin, donc, joue brillamment avec cette impossibilité de réponse, en offrant différentes causes éventuelles à la disparition soudaine du martien milliard : est-ce un scientifique marginal et sourd qui a fait disparaître ces petits monstres avec sa bizarre invention ? est-ce un sorcier africain, muni du savoir sorcier de tous ses confrères dévorés, qui les a chassés, en dansant autour d'une vessie d'éléphant ? est-ce que Luke - créateur de toutes choses -, en imposant son grand amour à toutes les strates de sa conscience, a permis à celles-ci d'oublier - et par conséquent d'effacer du monde - l'existence mensongère des Martiens ? ou les Martiens eux-mêmes ont-il choisi de s'envoler simultanément, par décision diplomatique suite aux promesses de Malblanshi et du monde entier ? La réponse n'est pas donnée, et c'est là tout le suc de ce dénouement. J'aimerais penser que le scientifique est à l'origine de la libération terrestre, mais, si rien ne la valide, cette théorie n'est pas la bonne au regard de la vérité du livre ; celui-ci ne donne pas de réponse, mais suggère qu'il en existe une - et bien sûr, une réponse existe nécessairement : cette certitude en son mystère forge une fin logique dans son imprenabilité.

Tout ceci étant dit, Martiens Go Home ! ne se résume pas à sa fin. Loin d'être extraordinaire, pas même proche du familier "génial", le livre reste toutefois bon. Sa qualité réside surtout dans la personnalité horripilante et drôle des Martiens ; leur culot est sans pareil ; leur sens incorrigible de la provoc', admirable. Il serait bon parfois d'être un Martien envers soi-même : quand une oeuvre réalise le tour de force de planter une idée aussi saugrenue dans un esprit bien terrestre, c'est qu'il n'est pas dépourvu de valeur ; on pourrait même dire que Martiens Go Home ! a produit un archétype puissant, dont tout lecteur devrait tirer des enseignements, des valeurs d'ironie, d'autodérision et d'irrévérence absolutrice envers soi-même. Du reste, les personnages du livre ne sont pas marquants, ils ne sont que des faire-valoir pour les envahisseurs qui les tourmentent. Cependant, l'œuvre exploite le contexte géopolitique suivant l'arrivée de ces envahisseurs en lui donnant toute l'épaisseur et la crédibilité dont manque le protagoniste.

Voilà, il me semble, tout ce que j'ai à dire sur ce roman rigolo, qui aura au moins le mérite de m'avoir collé un Martien au plafond.  

9 février 2019

Once Upon A Time - la saison 1 et le reste

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Tandis que je réfléchissais à la façon dont j'avais envie d'aborder cette critique, j'ai réalisé que j'allais surtout traiter de sa première saison, pour l'encenser, puis du reste (ou pas). Car en mon petit coeur de bisounours facile à séduire, de gentilhomme vraiment très bon public, Once Upon A Time se résume à cela : la saison 1, et le reste. Bien entendu, on peut lire autre chose sur ma face B : en mon âme grisonneuse d'assassin consommateur d'informations critiquables, Once Upon A Time, c'est un massacre global succédant à la saison 1. Hélas, comme après des années de cache-cache avec l'envers de mon psychisme, je n'ai toujours pas trouvé cette face B, on va ici se contenter de mettre en parallèle qualités et massacres en prêchant, sans cynisme, sans ironie, les qualités et en suggérant, presqu'en les taisant, les massacres.

Saison 1, donc. Le contrat de base avec le spectateur est passionnant : une opposition entre monde réel et monde des contes autour d’une facile mais convaincante histoire de malédiction, un enfant qui doit éveiller sa mère, et tout un univers amnésique, à l’existence de la magie, à mesure que ladite mère s’attache à ce fils qui vient seulement de la retrouver. C’est mignon, c’est sensible, les parallèles scénaristiques entre les deux mondes sont habiles, il y a matière à rêver et s’émouvoir. Durant toute la saison, on est le complice du petit Henry, l'un des seuls individus au courant de la malédiction, le vrai et magique gentil de l’histoire. Si Petit Henry est adorable dans cette première saison, il ne le sera jamais autant par la suite, tant son intérêt scénaristique, son rôle de gamin imaginatif et pur, s’appauvrit comme la magie perd de sa beauté mystérieuse en laquelle il veut croire, pour devenir cette réalité dangereuse, prétexte à toutes les fantaisies et guéguerres scénaristiques qui s’ensuivront. J’ai vraiment été surpris, à la fin de la saison, en voyant que la malédiction était déjà levée ; regarder Emma affronter un dragon, je l’ai vécu comme une trahison du contrat, c’était de trop, la réalité à mystifier par la foi, par l’amour d’un gosse, disparaissait au profit d’un anachronisme malvenu selon la temporalité du rêve et de l’esprit ; la révélation m’a paru trop rapide et beaucoup trop concrète.

Storybrooke n'aurait jamais dû connaître la magie, car Storybrooke c'était d'abord - ou pas d'abord ; quelque part, peut-être, entre d'abord et ensuite - nous. Nous, les enfants de tous les âges, qui savons bien, parfois, que Disney, ses sources folkloriques et ses univers, c'est la vraie vie et que les structures bringueballantes de la réalité nous mentent à ce sujet. Nous qui savons que la magie, ce n'est pas la magie, mais la capacité à la voir, la deviner, la pressentir, dans son absence - la magie n'est pas la magie, et qu'importe si cela ressemble à l'acrobatie d'un serpent du non-sens mordant sa propre queue, la magie est en soi l'en-chacun de la magie, tel qu'elle se développe, se réalise et se plurialise, tout à la fois dans le paradigme, la théorie, et la réalité, des relations humaines. La magie existe-t-elle ? Oui, puisque nous la savons, comme Henry la sait, comme Henry la nourrit, à travers le mythe des habitants du monde. Un homme peut être un criquet, s'il est un criquet. Une femme solitaire peut être une sauveuse, si l'histoire le prétend. Je peux être un fantôme éternel, si l'émotion, quelque part, le raconte. La magie renferme tous les contes que l'on veut, si l'histoire narrée a cette prétention-là. Mais la magie n'existe que si l'on reste depossédé de nos contes, comme on est à tout instant dépossédé de notre mort. Si Once Upon A Time pose les contes comme antécédents réels des habitants de Storybrooke, Storybrooke était magique dans l'exacte mesure où ses habitants étaient dépossédés de leurs contes.

Qu'ils retrouvent la mémoire, c'est une chose plutôt belle, mais qu'ils retrouvent la magie littérale, la fausse magie, celle qui représente le danger, le scénario du conte comme fait du monde, dépossède les héros de leurs dépossessions, de sorte que ceux-ci, en devenant ce que l'histoire raconte qu'ils sont, ne renferment plus la croyance en Blanche-Neige ou en Charmant, ni en un héros ni, par conséquent, en l'en-chacun de la magie. StoryBrooke représentait le centre humain dont les passés tiraient leurs coexistences,et la magie des contes, l'image parfaite de son absence dans cette ville où les héros les incarnaient vraiment. En outre, Storybrooke produisait la magie par laquelle une série peut donner à l'idée du destin une dimension fascinante, dont chacun de nous incarnerait la cohérence en amont, cette magie étourdissante par laquelle nous sommes, ici et maintenant, les futurs parfaits de toutes nos histoires, passées et à venir, les futurs incarnés de tous nos contes. Les habitants de Storybrooke n'existent pas à Storybrooke parce que les contes les y ont jetés ; ils existent dans les contes parce que c'est ce qu'ils renferment depuis Storybrooke. Tout ce qu'ils ont vécu, tout ce qui les mène à Storybrooke, c'est depuis Stroybrooke qu'il le vivent, et c'est ce paradoxe parfait qui insuffle aux contes leurs magies-mêmes. Henry sait cela, Henry voit les choses ainsi, c'est la perspective naturelle qui lui est offerte depuis son point de vue. Et nous savons cela, car nous croyons en Once Upon A Time, nous, habitants de Storybrooke, nous qui partageons le regard d'Henry.

C'est cela, la saison 1 de Once Upon A Time.
Hélas, Once Upon A Time, c'est aussi le reste.

 

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22 novembre 2018

Particules vides

a million particles

Mathieu est un bon compositeur, il sait créer de belles ambiances musicales - on ne peut douter de sa sensibilité Folk. Pour cela, cet album est un sympathique album de fond. "De fond" dans le sens où on le met en arrière-plan, pendant qu'on travaille par exemple, un peu comme on glisse un livre de seconde main sous un pied de chaise bancale, un peu comme on s'impose un silence musical ambiant quand on ne supporte pas le réel silence.
Mathieu est un joyeux drille. Quand il s'amuse sur des chansons qui le permettent - référence à ses prestations dans le télé-crochet qui l'a révélé -, sa générosité si sincère emporte le public ; il donne le sourire, la pêche, on a envie de l'aimer. Sur des chansons plus profondes, Mathieu excelle également : ses beaux yeux racontent les mots que sa voix chante comme un acteur sublime un texte par ce qui, derrière un talent certain, semble être la grâce seule de son charisme. Mettez de beaux yeux à quelqu'un qui aime suffisamment la musique pour savoir s'y couler, et, en vous perdant dedans, vous aurez parfois l'illusion du génie.
Sur les réseaux sociaux, Mathieu est parfois un gentil guignol, occasionnellement tête à claques, souvent un doux romantique, un post-ado généreux, naturel, disant l'amour de la vie et des belles choses. Un garçon comme tant d'autres, en fait, mais comme les meilleurs d'entre eux, les vrais gentils, les amis fidèles.

Hélas, Mathieu n'est pas un très bon auteur.

Si A Million Particles et Canvas sont textuellement au-dessus du lot, riches, subtiles et nuancées, nous immergeant dans un réel sentiment Folk, Time Stops, Changing Upside Down et I Guess Yeah sont insignifiantes, même si l'énergie de cette dernière s'avère efficace. Et si From Glass To Ice est le joyau instrumental de l'album, son propos est inintéressant, comme regarder, en plan fixe, un visage un peu triste, avec certes un beau rideau derrière, au milieu d'un film qui n'a pas réussi à convaincre.
En français, Mathieu est simplement mauvais. Cliché Cosmique dit, dans les mots vains d'une chanson creuse, que "La Terre est belle", où se contenter de le dire, en dehors de toute forme d'art, avec ces quatre mots seuls, serait déjà plus beau. Je T'Ai Cherchée dit tout dans son titre. Poison est la catastrophe de l'album, avec, dans son premier couplet, un français d'une laideur ignare, où l'on sent la volonté pestilentielle de jouer au jeu de la poésie sensible. Dans L'Espace est tellement ignoble que tous mes lecteurs musicaux sont devenus grévistes manifestants, alors que - paradoxe spatial - elle a de loin le meilleur texte en français, texte même, étonnamment, bon ; dommage que la chanson (le chant, surtout !) soit insupportable. Pour Bubz et Dans L'Ombre De Mes Pupilles sont deux chansons mignonnes, perdues entre le sympa et le quelconque : si la première réussit le pari d'employer un langage très spontané pour un gentillet message d'amour, la seconde est une simple poésie sans prétention, aux facilités lexicales du romantisme énamouré.

L'ensemble de toutes ces chansons constitue un album folk sans reliefs, d'une humanité que l'on sent sincère, et riche en potentiels, mais, pour l'instant, sans poigne ni grand intérêt artistique.

22 novembre 2018

Le BGG

Le BGG

Oui, le film manque de fond ; oui, le scénario est très léger, ce pourrait être un conte de quelques pages ; oui, le film n'a aucune noirceur, tout se passe sans accrocs ; oui, la résolution finale de l'enjeu scénaristique est précipitée ; non, cet enjeu n'est pas convaincant ; oui, la fin est trop facile et gentille et pas crédible.
Mais les dialogues sont drôles et m'on embarqué. Mais la photographie est sacrément soignée. Mais il y a de petits moments de poésie vraiment touchants. Mais les expressions du BGG sont si étonnamment humaines qu'elles en sont poignantes, et Sophie a un tempérament revigorant : le duo est clairement sympa.
Malgré l'aspect visuel extra-léché, on sent ce film sans autre ambition que celle d'être juste beau, comme un joli petit conte qu'il est idéal d'apprécier à l'approche de Noël. On est en Novembre, et j'ai été eu.

29 octobre 2018

The Book of Henry

 

The_Book_of_Henry

     "Un enfant précoce élevé, avec son frère, par leur mère célibataire, échafaude un plan pour aider sa jeune voisine battue par son père."

      Henry est un génie, c'est acquis. On ne sait pas tout-à-fait dans quelle mesure il est génial, le film n'en dit pas beaucoup sur ses capacités cognitives et on ne le voit pas réaliser des prouesses mathématiques hors-normes. Néanmoins c'est un génie. Il invente des machines dont on ne comprend pas l'utilité, et dont on n'a pas besoin de comprendre l'utilité. Surtout il est d'une maturité aberrante ; il est un grand frère formidable, et semble être la mère de sa mère. En tant que véritable adulte de la maison, il gère les finances de la famille. Bien sûr, Henry est aussi un voisin idéal, puisqu'il met tout en oeuvre pour protéger sa jeune voisine des violences de son beau-père. Pendant ce temps, sa mère joue aux jeux vidéos. La pauvre dame est dépassée par toutes ses responsabilités, mais peut se reposer sur Henry, puisqu'il est malin, prévoyant et attentionné. Peter est le petit frère mignon et guilleret. Il se comporte comme un enfant entre une mère adolescente et un grand frère trop adulte.

     Nous avons ainsi une famille étrange, paradoxale, à la fois grave et légère, heureuse et malade, comme noyau d'un film bâtard qui nous perd en différents registres ; qui part de l'illusion d'un film d'aventures enfantines (illusion soutenue par la promotion et par l'affiche-même du film) pour s’appesantir sous la personnalité grave d'un enfant surdoué, sur un ton oscillant, une vibration incertaine, entre l'aventure possible et le drame voisin ; qui tombe soudain dans le tragique extrême, larmoyant ou touchant selon les sensibilités, mais définitivement lourd cette fois, inattendu et arbitraire, et pourtant si juste dans les émotions qui malmènent ses personnages ; et puis qui s'envole de nouveau dans son atmosphère paradoxale, bancale, se retranchant dans un semblant d'aventure américanisée, le sniper à la main, la justice dans les yeux, pour tenter de réparer son noyau brisé, ses personnages fluctuant qui ne savent plus qui ils sont, quelle place prendre, à l'image du film entier qui brouille ses identités dans la tragédie familiale d'une mauvaise distribution des rôles. Un film bâtard, définitivement, mais de manière si logique, au fond, puisqu'il suit la trajectoire de transformations nécessaires.

     Henry n'est pas le génie de l'histoire. Henry est bien trop grave. Henry ampute sa mère de ses responsabilités. La mère n'est pas le génie de l'histoire. Elle est bien trop immature, elle ampute malgré elle son  fils de son enfance. Peter est le véritable génie de cette histoire où demeurer ordinaire et tenir sa place demande une intelligence naturelle forte ; les autres personnages sont en orbite autour de ce qu'il incarne, de son enfance, de son innocence, de sa fragilité. Il porte en lui-seul l'enfance commune qu'il partage avec son frère ; et sa mère est une mère à ses yeux. Les cartes ont beau être maladroitement distribuées, en son cœur, déjà, il les redistribue. Le film traverse le drame pour donner corps à cette redistribution, pour cela Peter en est l'essence - et les dernières scènes le révèlent ô combien joliment. La mère des enfants doit retrouver un enfant en Henry (comme Henry a toujours cherché, mais en vain, les adultes dans les adultes), ainsi doit-elle retrouver une mère en elle-même.

     The Book Of Henry porte fièrement ses maladresses ; c'est un film de repères brisés, pris dans le cheminement paradoxal de sa propre reconstruction. Surtout, c'est le film d'une révolution parfaite autour d'un besoin fondamental, d'une fragilité ultime portant son miroir dans le regard d'un enfant ordinaire, heureusement ordinaire, qui ne peut jouer que son propre rôle.

9 octobre 2018

Le monde du Fleuve - Philip José Farmer

 

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" Le jour du grand cri, tous les humains qui avaient jamais vécu se réveillèrent, nus, sur les rives d'un fleuve immense, le Fleuve de l'éternité. Trente ou quarante milliards, issus de toutes les époques et de toutes les cultures, chacun parlant sa langue, chacun ayant sa conception de l'au-delà, et immensément surpris de se retrouver vivants. Parmi eux, des ressuscités célèbres en leur temps, l'explorateur Richard Burton, Som Clemens, alias Mark Twain, Jean sans Terre, Hélène de Troie, Cyrano de Bergerac, Mozart, Ulysse. Et tous les autres. Tous se demandent qui a construit ce monde impossible, qui les a ramenés à la vie. Et pourquoi ? " 

 

Si l'idée de base est excellente, le livre l'est beaucoup moins. Mon avis est très mitigé ; je vais me montrer un brin sévère, non seulement parce que, les critiques sur Le Fleuve De L'Eternité étant majoritairement positives, j'imagine que les bons points ont été largement soulignés, mais aussi parce que je trouve honnêtement que ce livre ne mérite pas sa renommée.

L'écriture est simple, la narration est fluide et l'action bien distillée ; la sensation de vivre une aventure est très forte : tout cela est vrai. Seulement les personnages principaux sont très antipathiques. Les psychologies tournent trop vite et trop platement autour du sexe, de sa nécessité – et, bouffonnerie existentielle, de la question juive ! L'humanité est depuis la nuit des temps en orbite autour du point Godwin.

Burton est un prétentieux connard qui se veut héroïque. Alice, une caricature détestable de la bourgeoisie puritaine. Frigate, le Yankee, est assez ambigu pour être vaguement intéressant ; antithèse d'un leader mais bras droit finaud, il donne la réplique à Burton dans les quelques discussions valables qui parsèment le récit. Monat l'extraterrestre est un genre de sage improbable dont on se serait bien passé : quand l'idée à la source du roman ouvre tant de possibilités de réflexions, comme une mise-en-abîme fondamentale à la fois de l'Univers et de l'inconnu, pourquoi résoudre la question extraterrestre aussi vite et aussi arbitrairement, sans la moindre nuance ? Et il y a Lev Ruach aussi, dont on retiendra qu'il n'a que quelques neurones mal connectés.

Les réflexions jonchant le récit sont au raz des pâquerettes, et les sentiments se font rares ; lorsqu'ils se présentent, on n'y croit pas une seconde. Dans l'ensemble, toute cette aventure pue la bêtise et la testostérone. L'humanité y est un troupeau répugnant.

Je retiendrai de ma lecture une bataille navale captivante au milieu du livre. Pour le reste, je regrette d'avoir directement acheté l'intégrale parce que la renommée de l'oeuvre et la beauté de l'édition m'ont convaincu de le faire ; il me sera très difficile de lire les tomes suivants, ce premier tome étant considéré par la plupart comme le meilleur.

Je le relirai peut-être un jour. J'en attendais beaucoup. Je l'aurais sans doute beaucoup plus apprécié en en attendant moins, car il n'est vraiment pas mauvais ; il est seulement très décevant.

16 juillet 2018

Le Retour de Chucky

 

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Cult of Chucky est mauvais dans le sens où il trahit à la perfection l'essence de Chucky.

On peut considérer Chucky 4 et Chucky 5 comme des blagues ; le 4 est une bonne blague décalée, vaseuse et sympathique, et le 5 une blague excessive et grossière mais, au moins, dépourvue de prétention. On ne s'y sentait pas dans la continuité des trois premiers opus, et des années plus tard, Curse of Chucky est venu corroborer cette sensation en niant ces films-blagues pour continuer la chronologie originelle. Le film était sympa et renouait avec l'ambiance horrifique de ses authentiques aînés. Puis vient Cult Of Chucky, qui trahit leur essence comme les blagues précédentes n'ont jamais pu le faire, puisqu'elles ne possédaient pas les ingrédients originaux de la saga.

Mais d'abord, l'essence de Chucky, c'est quoi ? On conviendra que cette essence se tient dans les deux premiers films. Il s'agit en fait d'une dualité, celle qui oppose Chucky la poupée tueuse et Andy l'enfant. La force primordiale de Chucky tient au fait qu'il est une poupée, un jouet d'enfant, et que sa victime est un enfant ; enlevez l'enfant et vous perdez l'intérêt pervers et terrifiant de sa nature de poupée. Chucky est une poupée terrorisant un enfant. Andy est un enfant terrorisé par une poupée tueuse. Voilà l'essence de Chucky. On ne peut la retrouver sans ces deux forces en opposition. Voir grandir Andy n'a aucun sens : son personnage appartient à l'espace-temps particulier de cette expérience traumatisante, de cette dualité - au-delà de cet espace-temps, Andy est naturellement destitué de son film, il disparaît dans l'ouverture de son achèvement, tout comme son enfance y est sauvegardée, équilibrant la balance horrifique face à la poupée tueuse. Plus rien n'a de valeur solide au-delà de l'enfance d'Andy. Pour cela, Chucky 3 était déjà moins bon que les deux films précédents.

Mais là... là : Cult Of Chucky. Andy est un adulte débile, déprimé, jouant à torturer la tête défigurée de Chucky comme un écorché de grand cinéma, quand il ne partage pas un joint avec elle. L'essence de Chucky part en fumée, comme si elle n'avait jamais résidé dans cette dualité originelle entre la poupée tueuse et l'enfant, comme si Andy et Chucky n'avaient jamais incarné un archétype dualiste fondamental, intemporel et nécessairement daté, toujours actuel dans sa temporalité mais à la temporalité achevée comme un tableau logique et efficace ; comme si Andy et Chucky avaient amorcé en leur époque, dans l'illusion de cette dualité parfaite, la mort de leur propre logique, en initiant en fait un conflit manichéen infini se poursuivant à travers les âges (comme un schéma biblique puiserait son absurdité dans sa propre répétition), dans le déni de leurs forces archétypales, de leurs fonctions et de leurs natures cinématographiques. Andy n'a plus de signification ; si l'on croit en ce film, Andy n'en a jamais eue. Andy est un imbécile qui joue les héros et vide son unique chargeur, dans un asile infesté de Chuckys, contre un Chucky inoffensif, à l'intérieur d'une salle d'isolement dont il ne sait pas comment sortir et dont il ne sortira pas. Pathétique trajectoire. L'essence de Chucky est détruite dans l'exacte mesure où le film ne peut être complètement nié, comme on pouvait le faire avec les blagues 4 et 5 : Andy étant bel et bien présent, la balance originelle est sacrifiée aux feux de la stupidité des scénaristes.

Il y a une autre raison pour laquelle le film insulte sa série mère, une raison moins importante (puisque sans Andy, on aurait pu faire appel à un esprit de négation salvateur) mais néanmoins forte : les Chucky se multiplient. Outre le fait que cela soit tout simplement impensable, que cela revienne à tuer Charles Lee Ray à plusieurs reprises, à le rendre infiniment mortel, sinon infiniment mort, et surtout infiniment irréel, comme un personnage sans passé, sans structure cinématographique, sans aplomb individuel, un personnage infiniment théorique en somme, cela revient surtout à nier l'origine de Chucky. Chucky est la poupée tueuse, sa force tient au fait qu'il transforme une poupée en la poupée ; il donne une individualité à un objet qui, par définition, est de nature plurielle. La menace qu'incarne Chucky réside dans cette individuation. Charles Lee Ray est un dangereux tueur ; Chucky est une poupée tueuse, et par conséquent, Chucky est la poupée qui est bien plus qu'une poupée. En multipliant les Chucky, le film rend à la poupée sa pluralité, et en cela, il fait de Chucky, tristement et véritablement, une poupée. Il désindividualise son personnage emblématique, il le rend à l'impersonnalité de l'objet dont il était, à l'origine, la transcendance particulière. Et le pire - le pire ! - dans ce processus, c'est qu'il implique, par sa possibilité-même au sein du film, et plus encore bien sûr par sa réalisation concrète, que Chucky n'a toujours été qu'une poupée, aussi tueuse fût-elle, que l'individuel Charles n'a été qu'une incohérente illusion scénaristique. Chucky n'a donc jamais été la poupée tueuse : Chucky n'est, au fond, depuis toujours, qu'une poupée Chucky.

Rarement un film n'aura trahi son essence de manière aussi profonde et aussi savante. Il semble que le propos final de Cult Of Chucky soit de contredire le sens fondamental de la série dont il est issu. Un tour de force magnifique, insultant, gerbant. Une catastrophe.

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Je partage ici critiques et billets d'humeur en m'accordant toutes libertés. Je réflechis, analyse et écris d'abord pour mon plaisir personnel, il n'est donc pas rare que les critiques présentées ici empruntent des biais de lectures si spécifiques qu'elles ne conviendront pas à l'internaute cherchant, à propos des oeuvres considérées, présentations globales ou prétentions d'objectivité.

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